Positionnement de la fédération Tahei Auti I’a Moorea concernant la réalisation d’un bâtiment commercial Tahiti pas cher / Gemo / Home décoration sur la parcelle C13 de la terre Paetou

Après deux ans de combat judiciaire acharné, la Fédération a finalement perdu son action contre le promoteur et l’investisseur pour une question de forme sans que la contestation sur le fond ait été remise en question..
Si une partie de la population de Moorea se réjouit du projet au motif qu’il serait pourvoyeur d’emplois et éviterait des déplacements coûteux à Papeete, la fédération tient à rappeler ces quelques faits essentiels:

La finalisation du projet repose sur une double infraction : un remblai non autorisé réalisé à partir de matériaux extraits illégalement ( PV d’infraction n° 07-2022/VP/DCA ) et une régularisation à posteriori accordée sur la base de documents faussés.L’impression globale qui se dégage de telles manoeuvres est
désastreuse : un promoteur qui se considère au dessus des lois peut arriver à ses fins au vu et au su d’une administration impuissante.

Le site Paetou initial constituait un biotope semi-humide unique à Moorea , historiquement important (ancienne terres de la famille royale) et d’un intérêt écologique certain (aire de nourrissage de l’aigrette sacrée et du canard à sourcil par ailleurs espèce protégée) Saccager ce site et en morceler une partie pour la réalisation d’une zone d’activité industrielle témoigne d’un mépris ouvertement affiché pour les valeurs qui constituent le fondement identitaire de l’ile et de ses habitants.Cette perte identitaire n’est pas quantifiable en terme d’argent mais ses conséquences sont déjà trop visibles dans les zones urbaines de Tahiti .

La pérennité économique des commerces qui vont s’implanter sur cette parcelle parait très fragile compte tenu du faible réservoir de clientèle (18 000 habitants) et du fait qu’une bonne partie des produits qui seront proposés sont déjà disponibles auprès des commerces locaux ( Champion, Polymat ) ou le seront dans la future zone commerciale de Maharepa.Rien de ce qui sera commercialisé dans ces enseignes ne sera novateur ou issu d’une transformation locale, et seuls les importateurs et les investisseurs y trouveront leur compte renforçant encore notre dépendance aux produits d’importation essentiellement asiatiques.

Nos infrastructures portuaires , routières et en terme de desserte en eau potable et collecte de déchets sont déjà saturées, ces commerces aggraveront encore la situation dans une sorte de fuite en avant qui ne tient pas compte de notre réalité insulaire : notre espace restreint nous impose de fixer des limites au modèle de développement tel que proposé par les promoteurs de ce projet.

Il n’est de secret pour personne que les cadres de ce type d’entreprise sont en général des expatriés et que les emplois réservés à la population locale sont pour l’essentiel subalternes. L’avenir de ce pays réside aussi dans la capacité de la population à entreprendre sur la base d’initiatives personnelles ce que n’encourage pas le modèle de développement incarné par ce projet.

Il semble utile aussi de rappeler qu’une zone industrielle existe à un peu moins d’1 kilomètre et que comme Tahiti Ménager, cette surface y aurait toute sa place sans incidence sur une zone humide et sans détruire le peu de cocotiers qu’il nous reste.

Enfin, si au sortir de la crise Covid le concept d’ indépendance alimentaire était sur toutes les lèvres, force est de constater que le modèle proposé par l’implantation de ces nouveaux commerces en est le contre exemple le plus probant. La stérilisation des terres agricoles par le béton est en marche sous nos yeux et nous nous devons de réagir.